lundi 26 octobre 2009

Les aléas de la vie...

L'Assommoir d'Emile Zola

Editions Le livre de Poche, 2008, 500 pages environ.


Résumé: Qu'est-ce qui nous fascine dans la vie « simple et tranquille » de Gervaise Macquart ? Pourquoi le destin de cette petite blanchisseuse montée de Provence à Paris nous touche-t-il tant aujourd'hui encore? Que nous disent les exclus du quartier de la Goutte-d'Or version Second Empire?
L'existence douloureuse de Gervaise est avant tout une passion où s'expriment une intense volonté de vivre, une générosité sans faille, un sens aigu de l'intimité comme de la fête. Et tant pis si, la fatalité aidant, divers « assommoirs » - un accident de travail, l'alcool, les « autres », la faim - ont finalement raison d'elle et des siens. Gervaise aura parcouru une glorieuse trajectoire dans sa déchéance même. Relisons L'Assommoir, cette « passion de Gervaise », cet étonnant chef-d'oeuvre, avec des yeux neufs.
Mon avis: C’est la seconde fois que je lis ce roman, et je ne m’en lasse pas. Les mots de Zola, ici teintés d’un langage argotique et peu soutenu, nous plongent avec puissance dans la vie des ouvriers du Paris du XIXème, lecture dont nous ne sortons pas indemnes. En effet, le roman se scinde en deux parties bien distinctes: l’avènement et la gloire (quoique modeste) de Gervaise et sa terrible chute dans les bas-fonds de la misère. Ces deux moments se révèlent déterminants dans la lecture de cette œuvre. Nous prendrons plaisir à lire la première, auréolée d’une certaine joie de vivre et d’un avenir plutôt réconfortant et prometteur (malgré les nombreuses mises en garde du narrateur sur le destin tragique de l’héroïne), alors que la seconde partie deviendra difficile à assimiler, à cause de la force dévastatrice de l’alcool et de la misère qui viendra à bout de la touchante Gervaise. Là est toute la force de cet opus de Zola, celle de nous faire ressentir l’allégresse de l’existence de la belle blanchisseuse blonde avant de nous enfoncer sans détour avec elle dans la boue de la pauvreté et de la mort. Le destin de Gervaise nous émeut car on s’y reconnaît parfois, dans ce caractère bon et paisible, dont l’existence est ballottée d’un extrême à l’autre. Les aléas de la vie sont ici amplifiés, mais gardent cette véracité inébranlable, celle de la vie d’une madame-tout-le-monde qui bouleverse le lecteur au plus haut point. Du très grand Zola.

lundi 19 octobre 2009

Totalitary nation...

La Vague de Todd Strasser

Editions Pocket, 2009, environ 220 pages.


Résumé: Cette histoire est basée sur une expérience réelle qui a eu lieu aux États-Unis dans les années 1970. Pour faire comprendre les mécanismes du nazisme à ses élèves, Ben Ross, professeur d'histoire, crée un mouvement expérimental au slogan fort : « La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l'Action. » En l'espace de quelques jours, l'atmosphère du paisible lycée californien se transforme en microcosme totalitaire : avec une docilité effrayante, les élèves abandonnent leur libre arbitre pour répondre aux ordres de leur nouveau leader, lui-même totalement pris par son personnage.
Quel choc pourra être assez violent pour réveiller leurs consciences et mettre fin à la démonstration ?


Mon avis: il y a tellement de choses à dire sur ce petit livre, devenu au fil du temps un classique dans le domaine du totalitarisme, que je vais synthétiser ici le sentiment d’angoisse et de profonde inquiétude que j’ai éprouvés à la lecture de ce formidable ouvrage. En effet, basé sur des faits réels, mais enjolivé dans un format romanesque, ce livre fait ressortir avec puissance la facilité avec laquelle les gens peuvent se laisser enrôler dans des doctrines dangereuses et oh combien manipulatrices. L’individualité de chacun est perdue au bénéfice d’une unité de groupe qui répond à l’unisson aux exigences de leur leader, ici un professeur de lycée. Le mouvement de la Vague va alors gangrener progressivement, mais à une vitesse affolante, un paisible lycée californien jusqu’à laisser entrevoir l’ombre de la dangereuse Allemagne nazie… Au fil des pages, nous sentons la menace planer de plus en plus haut jusqu’à fondre tel un aigle noir sur la vie de centaines de personnes. L’expérience sera aussi forte pour les élèves de cet établissement que pour le lecteur qui se retrouve face à l’incompréhension d’un tel mouvement, mais surtout, reste décontenancé par l’extrême banalité et facilité de l’émergence d’un régime totalitaire. Un livre à lire absolument pour mieux comprendre l’horreur du génocide juif mais aussi pour assimiler les rouages d’une telle malédiction, celle d’une dictature.