vendredi 27 août 2010

Bains de sang...

De fièvre et de sang de Sire Cédric.

Editions Le Pré aux Clercs, 03/2010, 450 pages.

Résumé: « Une jeune fille se réveille entièrement nue et entravée sur un matelas couvert de sang. Elle sait qu'elle va mourir, toute tentative de fuite semble inutile. La douleur n'est rien en comparaison de la peur panique qui s'est emparée d'elle... Le commandant Vauvert mène l'enquête en compagnie d'une profileuse albinos, Eva Svärta. Personnage excentrique et hors norme, Eva a un véritable sixième sens qui fait d'elle une redoutable traqueuse de l'ombre. Ensemble, ils vont tenter de remonter la piste d'un tueur en série qu'ils croyaient mort et qui a pour habitude de vider entièrement ses victimes de leur sang. S'agit-il d'une réincarnation, d'un spectre, d'un homme, d'une femme, d'une créature d'un autre monde ? »

Mon avis: Sa couverture sanguinolente avait attiré mon regard à plusieurs reprises en librairie, et chaque fois je me promettais de l’acheter et de le lire, mais lorsque Ellcrys s’est proposée de l’envoyer en tant que livre-voyageur, je n’ai pas hésité un seul instant. Et je l’en remercie grandement.

Ce livre est une réussite dans le genre thriller horrifique. Et l’auteur est un français! Reconnu désormais comme la nouvelle figure du roman fantastique et d’horreur, Sire Cédric a de quoi faire pâlir certains Graham Masterton et James Herbert et autres Stephen King.
En effet, ce roman exploite avec génie la frontière entre le réel et l’imaginaire, entre la réalité et le surnaturel. Cette délimitation entre les deux mondes est fine et ils ne vont pas tarder à s’entremêler de manière fort inquiétante au fur et à mesure des pages. L’auteur parvient à instiller une atmosphère glauque et effrayante (je me suis plusieurs fois surpris à regarder derrière mon dos durant ma lecture!) qui nous porte sur les chemins de l’inconcevable, de l’inimaginable. Autant dire que l’intrigue est terrifiante: deux frères tueurs en série, surnommés par la presse « Les vampires de la montagne noire » sont tués par le commandant Vauvert et la profileuse Eva Svärta lors d’une arrestation musclée. Mais un an plus tard, les crimes se répètent sur le même mode opératoire. Un copieur? Des tueurs revenus d’outre-tombe? Le mystère s’épaissit entre les explications rationnelles et celles qui échappent totalement à la raison. Un cocktail détonnant.

Les deux protagonistes sont très bien cernés par l’auteur. Sire Cédric nous offre ici un duo d’enquêteurs surprenant. Tout d’abord, Eva Svärta, profileuse aux allures de Trinity dans « Matrix », albinos aux cheveux blanc comme la neige et aux yeux rouges, portant en permanence des lunettes noires. Quelque peu excentrique et terriblement attachante car elle est perturbée par un passé trouble qui verra le jour au fil de l’intrigue. Les vieux démons du passé vont ressurgir, impitoyables.
De l’autre, nous avons un commandant un peu brusque, à la carrure de rugbyman, la gueule carrée et au gabarit de gorille, intrépide et peu regardant des conséquences de ses actes. Il s’appelle Alexandre Vauvert et il s’attache très vite à la jeune profileuse aux allures de vampire.
Ce tandem de choc va essayer d’éclaircir une enquête lugubre où le sang coule à flot et où le danger frappe n’importe où, sans prévenir. Ce roman vous maintient les nerfs à vif et vous essouffle.

Le sang coule à flot… justement parlons-en. De fièvre et de sang, comme son titre l’indique, est loin d’être une promenade de santé et autant vous avertir: il ne faut pas le mettre entre les mains de n’importe qui. Les meurtres sont barbares et certaines amorces de l’intrigue se révèlent hautement malsaines. Amateurs de thriller vous serez servis! En tout cas, sans aucune honte, je peux affirmer que ce bain de sang était jouissif! Sire Cédric ne tombe pas dans la surenchère de gore (un peu peut-être) mais il prend surtout soin d’utiliser l’hémoglobine à des fins plus délicates: pour nous faire basculer dans la folie humaine et l’incompréhension, à l’image de ses deux enquêteurs qui se retrouvent dépassés par les évènements. Nous sommes à leurs côtés et regardons l’enquête avec eux. Il est impossible d’y échapper.

Ouvrez sans tarder ce livre qui vous fera passer des nuits blanches où les ombres de votre maison vous effraieront. Vous ne regarderez plus votre reflet dans le miroir du même œil…

Coup de cœur!

Merci beaucoup à Ellcrys pour cette belle découverte :D !

mardi 24 août 2010

Les fantômes du passé...

Le treizième conte de Diane Setterfield.

Editions Pocket, 03/2008, 565 pages.

Résumé: « Vida Winter, auteur de best-sellers vivant à l'écart du monde, s'est inventé plusieurs vies à travers des histoires toutes plus étranges les unes que les autres et toutes sorties de son imagination. Aujourd'hui, âgée et malade, elle souhaite enfin lever le voile sur l'extraordinaire existence qui fat la sienne. Sa lettre à Margaret Lea est une injonction : elle l'invite à un voyage dans son passé, à la découverte de ses secrets. Margaret succombe à la séduction de Vida mais, en tant que biographe, elle doit traiter des faits, non de l'imaginaire. Et elle ne croit pas au récit de Vida. Dès lors, les deux femmes vont confronter les fantômes qui hantent leur histoire pour enfin cerner leur propre vérité... »

Mon avis: j’ai enfin ouvert ce roman applaudi par les critiques et les lecteurs et je vais m’introduire dans les rangs déjà larges des mordus de ce « page-turner » so british! Aurais-je été ensorcelé par la sorcière Diane Setterfield? Très certainement. Et je peux déjà vous affirmer que j’attends de pied ferme sa prochaine publication.

Une demeure gigantesque perdue au milieu d’un jardin foisonnant noyé dans la brume et la pluie. Une auteur à succès devenue vieille et souffrante qui parle de son passé dans l’ombre de sa bibliothèque tandis que la pluie bat les vitres au dehors. Des apparitions soudaines dans les glaces, tels des fantômes. Une famille aux secrets inavouables. Des souvenirs à jamais enfouis dans les prisons du passé qui ressurgissent soudainement à la lumière du jour. Que demander de mieux? Ce roman est l’histoire de Vida Winter, une écrivain prolifique et célèbre qui contacte une biographe, Margaret Lea, afin de retranscrire sa vie sur des feuilles blanches qui vont très vite noircir sous les assauts du passé. La jeune femme va se prendre de passion pour le récit de la vieille romancière et s’immiscer entièrement dans son histoire afin d’en déterrer tous les souvenirs, les plus douloureux et les plus inavouables.

Le mystère s’épaissit au fil des pages, d’autant plus que Vida Winter est une affabulatrice confirmée et le doute grandit sans cesse jusqu’à la révélation finale qui vous laissera la bouche bée et le cerveau en ébullition. Sous forme de double intrigue, à savoir l’histoire relatée par la vieille dame et l’enquête que mène Margaret Lea en privée, les pièces du puzzle se forment peu à peu pour ne s’assembler qu’à la toute fin du roman. Ce retournement de situation est une des réussites de ce livre. Durant 500 pages, Diane Setterfield ne fait que capter l’attention du lecteur, le mène par le bout du nez (pour ainsi dire, le manipule, à l’image de l’affabulatrice Vida Winter) afin de mieux le lancer dans les flammes de la vérité. Celle-ci est brûlante et venimeuse. Tout prend forme et le passé ressurgit comme une fantôme hurlant.

Au-delà d’une intrigue bien ficelée, Diane Setterfield est une écrivain douée, amoureuse des mots et de l’imaginaire. Ce roman est un vrai « page-turner » pour reprendre cette expression désormais couramment utilisée. Les pages se tournent sans opposer de résistance et l’écriture fluide et bien orchestrée de l’auteur nous enivre. Un vrai bonheur de lecture.

Enfin, ce livre est basé sur le thème du double (gémellité, passé de Vida Winter qui s’entremêle peu à peu avec celui de Margaret Lea, frères et sœurs, couples qui se forment et se déchirent, deux maisons différentes (celle de l’écrivain et celle de son enfance, à Angelfield) et qui se ressemblent terriblement, etc…). Cette récurrence apporte une dimension vertigineuse au récit et résonne comme un chiffre sinistre tout le long du récit.

En bref, j’ai aimé cette lecture que je recommande à tous ceux qui ne l’ont pas encore ouvert afin de découvrir l’univers particulier de Diane Setterfield, où le fantastique flirte avec la réalité, le tout dans une ambiance britannique délicieuse. A lire!

dimanche 8 août 2010

Ca brille, ça brille... mais que c'est triste!

Hudson River de Joyce Carol Oates.


Editions Le Livre de Poche, 05/2006, 665 pages.

Résumé: « À Salthill-on-Hudson, on cultive les orchidées et on roule en voiture de luxe. On est beau, on est riche et on vit comme suspendu hors du temps. Mais quand Adam Berendt, le sculpteur aimé de la commune, trouve la mort dans un accident de bateau, c'est tout ce petit monde idyllique qui est précipité dans le chaos. Une question obsédante taraude la ville entière : qui était vraiment Adam Berendt ? »

Mon avis: Il y a des auteurs à la renommée vertigineuse, au talent reconnu entre tous, et pourtant on tarde toujours à les connaître. Cette fois-ci, je me suis laissé porter par un « coup de foudre de librairie ». Autrement dit, j’ai été séduit par ce livre de poche: la quatrième de couverture alléchante sans être transparente, une couverture sobre et élégante, une épaisseur appétissante… comment ne voulez-vous pas être séduit par le doux titre de Hudson River, d’autant plus que le nom fameux de Joyce Carol Oates vous bat aux oreilles comme un tambour d’avertissement: « Attention, grand auteur à l’horizon! ». Quelle ne fut pas ma surprise de dévorer ce livre en quelques jours et d’en apprécier chacune des pages, chaque mot, jusqu’à l’obsession d’en savoir toujours plus.

Joyce Carol Oates, c’est d’abord une écriture et un talent de narration admirable. Hudson River est bâti autour d’une intrigue commune: celle de la disparition du mystérieux et pourtant aimé Adam Berendt, disparu tragiquement dans une noyade héroïque. Et toute une ronde de personnages, tous aussi subtilement maniés par l’auteur, qui gravitent autour du noyau Adam Berendt et qui prennent une consistance de plus en plus épaisse. Chaque protagoniste est travaillé et remanié dans le récit, de façon à l’approfondir page après page. L’auteur les a habillés d’une étoffe psychologique sans faille qui prend ses racines dans une écriture toute en nuance. Les mots ne vous parviennent pas en une seule fois, ils se réfléchissent les uns aux autres pour apporter un sens plus profond au récit et lui donner une consistance plus subtile. Les mots de Joyce Carol Oates sont pourtant simples, mais elle parvient à leur insuffler une motivation propre qui sert la qualité de son intrigue et de ses personnages.

Les personnages de ce roman paraissent semblables en apparence mais éloignés dans leur pensée les plus intimes que l’auteur prend plaisir à dévoiler à son lecteur. En apparence, ils habitent tous dans une banlieue bourgeoise richissime répondant au nom guilleret de Salthill-on-Hudson où les maisons deviennent des demeures gigantesques, où les jardins rivalisent de couleurs, où les femmes s’habillent en Dior et roulent en voitures de luxe, tandis que les maris partent travailler en semaine dans la Grosse Pomme et jouent au golf le samedi. Un cadre idyllique pour des existences dorées. Mais seulement en apparence… Chacun des personnages va révéler ses pensées les plus intimes dès lors que Adam Berendt, un homme (un artiste sculpteur) en marge de la petite société coquette de Salthill mais immensément apprécié, notamment par la gente féminine, va brusquement disparaître. Les femmes sont mises en avant dans ce roman: le combat de chacune pour survivre à un évènement qui va les bouleverser jusqu’au plus profond de leur chair et les amener à reconsidérer leur existence. Elles sont toutes éprises d’Adam et se demandent quel sens va désormais gouverner leurs vies qui semblent soudainement si fades et mornes. L’argent ne fait pas le bonheur, c’est bien connu. Une série d’évènements tragiques, malheureux mais parfois heureux va alors souffler sur la vie de ces femmes et leur apprendre à vivre avec les aléas de l’existence, la vraie. Il en va de même pour les hommes, des époux harassés de travail, qui ne trouvent dans leur foyer qu’une ébauche de stabilité financière et conjugale… et l’amour dans tout ça?!

Hudson River est un roman du désir, de l’amour, des passions inavouées, des tendresses refoulées, des pulsions érotiques. Les testostérones se mettent à vibrer dans l’air tandis que les talons aiguilles frappent frénétiquement le sol afin de guider les oreilles mâles dans le doux nid des foyers exubérants de Salthill-on-Hudson. La mort d’Adam Berendt semble déclencher une véritable vague de désespoir amoureux où chacun va essayer de saisir et connaître de nouveau les joies du premier regard, de la première caresse… et du sentiment amoureux, loin des mariages arrangés. Toute cette petite société éclate derrière les façades étincelantes des villas pour partir en quête du bonheur. Ce qui va mener le lecteur à vivre de folles aventures aux côtés de la magnifique et si seule Abigail des Pres, le naïf Lionel Hoffmann et sa femme légèrement folle, Camille Hoffmann, puis la pulpeuse et glamour Augusta Cutler, l’intrépide et maladroit avocat Roger Cavanagh, sans oublier celle qui m’a le plus touché: Marina Troy, une libraire charmante, éprise d’Adam Berendt et qui va essayer de poursuivre son existence à ses côtés malgré sa perte, une belle histoire.

J’ai été fort bavard mais il y a encore tellement de choses à vous dire à propos de ce roman formidable… Tout ça pour vous dire qu’il serait dommage de passer à côté d’un si grand chef d’œuvre. Vraiment. Joyce Carol Oates a réussi un coup de maître en écrivant ce manège social savamment orchestré, et qui laisse une impression indélébile. Les personnages continueront encore de me hanter… et je l’espère bien. Hudson River est une merveille, n’hésitez surtout pas.

Coup de cœur !!!